Un reflet de la misère ouvrière
« L’canchon dormoire » ou berceuse en patois lillois, sous ses airs de simple chanson pour enfants, constitue un état des lieux poétique de la terrible situation ouvrière au 19e siècle. En étudiant de plus près les paroles, on perçoit mieux les difficultés sociales de l’époque. Une mère de famille, pauvre dentellière vivant dans une courée, tente d’endormir son enfant, Narcisse. Elle lui promet jouets et sucreries s’il accepte de fermer les yeux, et même de récupérer ses beaux vêtements déposés au mont de piété. Elle espère avoir assez d’argent pour contenter le bambin.
Alexandre Desrousseaux, le poète des petites gens
L’auteur de cette composition n’est autre qu’Alexandre Desrousseaux (1820-1892), chansonnier né dans le quartier Saint-Sauveur. Lui-même issu d’une famille ouvrière, voué à devenir tulliste, il a la chance d’apprendre à lire et à écrire. Il se fait embaucher à l’hôtel de ville puis comme chef des octrois. Ses revenus confortables lui permettent de mener une vie bourgeoise, mais il n’oublie pas le petit peuple de Saint-Sauveur, qu’il dépeint dans ses chansons. Le P’tit Quinquin, écrit en 1853, lui apporte la gloire. Le morceau est adapté pour différentes formations (orchestre symphonique, piano, fanfares…) et fait le tour de l’Europe.
L’hommage des Lillois
En 1901, la ville décide de rendre hommage à Desrousseaux et à sa composition la plus célèbre. La réalisation est confiée au sculpteur Eugène Déplechin (1852-1926). Le groupe sculpté comporte deux parties : le buste de Desrousseaux domine, du haut de son piédestal, la représentation de la jeune mère, l’enfant assoupi dans ses bras, près d’un berceau. À ses pieds, elle a temporairement abandonné son ouvrage en dentelle. L’œuvre en marbre a malheureusement subi plusieurs dégradations, la ville à présenter une copie dans le square Foch et conserve l’original dans le hall de l’hôtel de ville.