L’arrivée du chemin de fer à Saint-Quentin
Après d’importants travaux d’assèchement et de comblement des étangs et des marais de la Somme, le terminus de la ligne Creil-Saint-Quentin de la Compagnie des Chemin de Fer du Nord est inauguré le 9 juin 1850, en présence du président de la République, Napoléon Bonaparte, futur Napoléon III. La ligne est prolongée les années suivantes en direction de la frontière belge, plaçant ainsi Saint-Quentin sur une ligne ferroviaire internationale, vers Bruxelles et Cologne. La gare de 1850, agrandie dans les années 1870-1880, est miraculeusement épargnée par les tirs d’artillerie et bombardements alliés durant la Première Guerre mondiale. Mais un incendie accidentel la ravage entièrement le 13 janvier 1922.
Une vaste opération d’urbanisme
L’architecte Paul Bigot, Grand Prix de Rome, en charge du plan d’extension et d’embellissement de la ville de Saint-Quentin au lendemain de l’Armistice, va profondément bouleverser le paysage urbain. Pour supprimer la contrainte des voies ferrées et du passage à niveau, il conçoit un vaste pont enjambant toute la vallée. Habitat, commerce et industrie laissent place à une vaste esplanade, délimitée à l’est, en bordure de l’étang d’Isle, par le monument aux morts. Le projet de nouvelle gare de Paul Bigot est repris par son confrère, Gustave Umbdenstock, l’architecte de la compagnie ferroviaire. La nouvelle gare est achevée en 1926. Composée de volumes massifs rappelant la silhouette de l’ancienne construction, la gare présente un style où se mêlent les influences classiques, régionalistes et modernes, notamment par les ferronneries de la marquise et des grandes baies de style Art Déco.
Le buffet-hôtel, chef d’œuvre de l’Art déco
Gustave Umbdenstock est secondé dans l’opération par un jeune architecte, Urbain Cassan, auteur l’année suivante des gares de Noyon et de Lens. À Saint-Quentin, il est en charge des abris de quais et surtout de tous les aménagements intérieurs. Il opte pour le style Art déco, révélé au grand public lors de l’Exposition des Arts Décoratifs de 1925. Il s’associe au maître-verrier Auguste Labouret pour la réalisation notamment du bureau des postes et télégraphes (détruit), de la buvette (partiellement détruite) et du buffet-hôtel.
Les murs de la salle du buffet sont entièrement couverts de mosaïques en pâtes de verre grises et tesselles de verre doré. Le comptoir et les dessertes en béton sont revêtus de mosaïques en grés cérame, d’opalines rouges et noires et d’émaux de Venise dorés. Au sol, de simples carreaux de grès forment un motif étoilé. Les cloisons intérieures du buffet sont composées de deux verrières s’inspirant d’un motif de fleurs stylisées conçu en 1910-1912 par Auguste Labouret pour l’Hôtel Lutétia à Paris. Le maître-verrier utilise une vingtaine de verres industriels différents, laminés blancs et jaunes, martelés, striés, à pointes de diamant…
Le buffet ferme ses portes au milieu des années 1990 au moment du déclassement de la ligne ferroviaire internationale en ligne régionale. La gare et son buffet sont inscrits au titre des monuments historiques en 2003. En 2016-2017, la ville de Saint-Quentin procède au réaménagement du parvis de la gare (lauréat des Victoires du Paysage 2018) et restaure le buffet de la gare sous la conduite de l’architecte du patrimoine Thierry Germe, redonnant vie à l’un des plus beaux joyaux Art déco de la cité.