Un jardin paysager
À partir de 1763, le marquis de Girardin réalise un jardin devenu une référence dans l’art du paysage. Il puise dans des sources d’inspirations multiples et notamment dans le courant du jardin à l’anglaise et les œuvres de Jean-Jacques Rousseau. L’esthétique sauvage du jardin fait écho à l’idéal naturel décrit par Rousseau dans ses œuvres, la promenade y est conçue comme un cheminement de l’esprit dans une nature recomposée mais indomptée. Le paysage est envisagé comme un tableau, rythmé par une multitude de fabriques. (Petites constructions pittoresques souvent à vocation philosophique, qui font partie de la composition du jardin et ponctuent la promenade. Les fabriques sont semblables aux éléments que l’on retrouve dans la peinture classique, tels que des temples, des grottes ou des cabanes.) Sous des apparences de nature sauvage, le moindre aspect du paysage est travaillé, qu’il s’agisse du tracé des ruisseaux, de l’implantation des espèces végétales, jusqu’à la création de cascades et de reliefs. Au sein de ce paysage, les références poétiques, artistiques et littéraires abondent. Les ruines rappellent l’idéal antique et son imaginaire, des inscriptions poétiques gravées dans la pierre font dialoguer les différents espaces du jardin.
Dès la fin du 18e siècle, le jardin reçoit la visite de nombreuses personnalités, dont la reine Marie-Antoinette, sa portraitiste Élisabeth Vigée-Lebrun, les futurs souverains d’Autriche et de Suède, ou encore Benjamin Franklin.
Le cénotaphe de Jean-Jacques Rousseau
La nuit du 4 juillet 1778, René-Louis de Girardin fait inhumer Jean-Jacques Rousseau dans un tombeau à l’antique, placé au cœur du jardin, sur l’île des Peupliers. En 1794, la Convention décide le transfert des cendres de Rousseau au Panthéon. En cette occasion, l’île des Peupliers est reconstituée aux Tuileries avant d’être reproduite un peu partout à travers l’Europe. Elle est également représentée dans nombre d’œuvres, aussi bien dans les arts picturaux que dans les arts décoratifs. Le cénotaphe (Tombeau vide élevé à la mémoire d’un mort, généralement illustre ou représentatif, qui a été enterré ailleurs ou qui n’a pas reçu de sépulture) est resté à Ermenonville, où il se trouve encore. L’île devient un lieu de pèlerinage intellectuel très important en Europe. Ce qu’on appelle bientôt le « voyage à Ermenonville » devient le support de toute une littérature dont le point d’orgue est, quel que soit le genre, le face à face avec le tombeau de Rousseau. Robespierre, Mirabeau, Danton, Saint-Just, Camille Desmoulins, Napoléon Bonaparte viennent s’y recueillir.