Une collection remarquable
En 1786, le prince Louis-Joseph de Bourbon-Condé fait acheter un ensemble de 123 pots à pharmacie pour l’hôpital de Chantilly. Cet hôpital, créé par les Condé et placé sous leur protection, est chargé du soin des pauvres, des vieillards, des femmes en couches et des enfants abandonnés. La facture recense 8 grands vases d’apothicaire, 12 cassolettes, 66 grandes urnes et urnes épaulées et 37 petites urnes pour la somme faramineuse de 3 981 livres. Les pots sont en faïence polychrome et présentent tous le même décor composé de guirlandes de fleurs et de feuilles, soutenues par des nœuds au milieu desquels se détache l’écusson du prince de Condé. Un cartouche au pourtour bleu et vert porte le nom de la « drogue » (nom donné aux médicaments autrefois) contenue dans le pot. Chaque couvercle est muni d’un bouton vert en forme d’artichaut. Bien que les pots ne présentent aucune marque de fabrication, ils sont attribués à la fabrique Olivier, par analogie avec la collection Beaujon conservée au musée de l’Assistance publique des Hôpitaux de Paris (APHP). L’ensemble est classé Monument Historique depuis 1975.
Témoignage de la pharmacie sous l’Ancien Régime
Chaque pot porte le nom du médicament qu’il contenait ainsi que la forme sous laquelle le produit était conservé : EXT pour extrait, PIL pour pilule, ONG pour onguent, etc. Cette pharmacie est caractéristique de la médecine hippocratico-galénique, utilisée à l’époque avec une grande majorité de produit d’origine végétale (rose, romarin, ciguë, œillet…), quelques rares produits d’origine minérale (soufre), des produits d’origine animale (poudre de vipère, corne de cerf, poudre de cloporte) ainsi que des électuaires, c’est-à-dire des mélanges composés de multiples éléments (Thériaque, Mithridate…).
Pharmacie ou apothicairerie
Cette collection porte bien le nom de pharmacie et non apothicairerie, car le collège de pharmacie créé en 1777 par Louis XVI entérine cette appellation venant du grec pharmakon (mot désignant à la fois le remède et le poison) au détriment du latin apothicaire issu de apothecarius (boutiquier).
Une pharmacie d’apparat ?
L’intérêt de cette collection réside dans son unité. Ici pas d’accumulation ni de mélange de pots, silènes ou autres contenants de différentes époques, traces de l’histoire de la pharmacie, mais un ensemble homogène, acheté en une fois. Seuls 4 pots manquent et les autres sont dans un état parfait de conservation. Il pourrait donc s’agir d’une pharmacie d’apparat, d’une dépense somptuaire, réalisée par les Princes pour, de nouveau, montrer leur puissance et rivaliser avec les plus grands.