Un mécène : Louis-Henri de Bourbon-Condé (1692 – 1740)
Louis-Henri de Bourbon-Condé, propriétaire du domaine de Chantilly est, au début du 18e siècle, un homme très riche et un amateur d’art averti. Grand collectionneur d’arts d’Extrême-Orient, il possède près de 2000 pièces de porcelaine dont la plupart viennent de Chine et du Japon. Afin de compléter sa collection, mais aussi fasciné par le mystère que constitue encore alors la fabrication de la porcelaine, il fait venir à Chantilly un porcelainier de la manufacture de Saint-Cloud nommé Cicaire Cirou. Celui-ci élabore une recette de pâte à porcelaine tendre et, en 1735, obtient le « privilège royal » lui accordant le droit de produire de la porcelaine à Chantilly.
La manufacture
Le prince de Condé nomme Cirou maître de manufacture et l’établit dans un ensemble de bâtiments situés dans le bourg de Chantilly, dans une rue bientôt appelée symboliquement « rue du Japon ». Le bâtiment abrite différents ateliers pour les tourneurs, les mouleurs et les peintres mais aussi des fours, des entrepôts, des magasins, des logements le tout sur une superficie qui atteint 1200 m2 en 1781. La manufacture produit pendant près de 70 ans des porcelaines de table (jattes, plats, seaux à rafraichir, tasses, théières, sucriers…), de toilette (pots à eau et cuvettes, pots à crème ou poudre…), et de décoration (vases, brûle-parfums, fontaines et quelques autres pièces d’exception comme des pendules). Suite à la Révolution française, lors de la vente des biens des princes de Condé, c’est un Anglais, Christophe Potter, qui rachète la manufacture pour y produire de la faïence fine jusqu’en 1800. La fabrication de porcelaine se maintient ensuite de manière très irrégulière jusqu’en 1870 avant de disparaître totalement à la fin du 19e siècle.
Les styles
Le premier style adopté à Chantilly répond au goût dominant en Europe à l’époque : le goût des « chinoiseries ». Chantilly produit donc des porcelaines dans le style « japon » aussi connu sous le nom de « Kakiemon », composé de bambous, pagodes, dragons, phénix, papillons, jeux d’enfants… Cette mode de l’exotisme est remplacée à partir de 1750 par le style rocaille avec un décor plus réaliste, des motifs floraux ou animaliers des scènes de genre et paysages. Dans les années 1760, les privilèges croissants de la manufacture royale de Sèvres et un interdit royal réservant à celle-ci l’usage de l’or et de la polychromie limitent fortement les possibilités de décoration des manufactures françaises. Chantilly se consacre alors définitivement aux services de table en camaïeu bleu. Ornés d’œillets ou de brindilles mais aussi de roses ou de tulipes, ces services connaissent un beau succès. Leur moindre coût facilite leur diffusion.