Guilleminot et la photographie : une histoire de famille
En 1858, Gustave Guilleminot (1830-1895) crée à Paris une fabrique de produits photographiques (plaques de verre, collodion, papiers salés ou albumines, cuvettes pour développement, objectifs…). Très vite, il s’agrandit et ouvre une usine à Aubervilliers mais celle-ci est détruite lors de la guerre franco-prussienne. Il recrée un petit atelier à Paris puis avec l’aide de son fils René, il développe l’entreprise et la transfère en 1892-93 à Chantilly dans une ancienne filature. Tous les membres de la famille se révèlent audacieux et investis dans la société : Gustave crée des plaques au gélatino-bromure d’argent baptisées «La Parfaite» qui feront la réputation de son entreprise, son fils René, ingénieur chimiste ne cesse d’améliorer la sensibilité des plaques, puis invente le barytage, un procédé unique qui améliore la qualité du papier, sa fille Berthe, épouse en 1898, un Alsacien diplômé d’HEC, Émile Boespflug (1869-1951), ingénieur, qui devint associé et prend la direction financière et commerciale de la société. La famille Guilleminot multiplie les brevets, diversifie sa production : surfaces sensibles pour les arts graphiques, microfilms, papier pour radio médicale, édition de cartes postales…
L’usine de Chantilly
L’usine de Chantilly est un modèle d’intégration verticale : tout est fabriqué sur place pour maîtriser les coûts. Elle réunit un laboratoire chimique (pour élaborer les formules et innover), un atelier plaque de verre (découpe, rodage des champs, lavage, séchage, pose des émulsions), un atelier papier (barytage, coulage, séchage, rembobinage, découpe au format contrôle, mise en boite), un atelier des produits (fabrication, dosage, mélange, mise en flacons), une imprimerie (pour la fabrication du papier à lettre aux factures, en passant par les étiquettes, les pochettes, etc…) un atelier de cartonnage et de menuiserie (pour l’emballage), un atelier maçonnerie – peinture (pour l’entretien de l’usine et des logements des ouvriers), une flotte de camions pour les expéditions et un service administratif (secrétariat, comptabilité…). La maison sort jusqu’à 4 km de papier par jour et emploie 250 ouvriers. Les produits Guilleminot et leur célèbre « Pierrot » sont diffusés dans le monde entier.
Un exemple de paternalisme
L’entreprise Guilleminot est un exemple de paternalisme. La vie est laborieuse mais adoucie par de multiples propositions offertes sur le temps libre par une amicale : les employés de l’usine et leur famille bénéficient de sorties et voyages organisés en groupe par l’entreprise avec les patrons dès 1929. Ils disposent aussi de droits de pêche, de jardins, de banquets avec orchestre pour les anciens combattants par exemple et même de séances de cinéma et de conférences. Ainsi les ouvriers consacrent leur énergie et leur temps libre à des activités organisées par l’usine, loin des bars, café, et autres lieux d’influence politique… Après des décennies de succès et une reconnaissance mondiale, l’usine Guilleminot ne résiste pas à la concurrence des géants KODAK ou FUJI et ferme ses portes en 1991. Mais le souvenir de cette entreprise qui a fait travailler des générations de Cantiliens, souvent sur plusieurs générations, reste très présent dans la mémoire des habitants et dans le paysage local.