Les jardins des Grandes Eaux, profusion des aménagements hydrauliques
En 1660, Louis II de Bourbon-Condé, dit le Grand Condé, propriétaire du château de Chantilly, appelle à son service le célèbre André Le Nôtre. Son objectif : transformer la vallée de la Nonette située au pied du château en véritable jardin digne de ce nom. Le Nôtre imagine alors un exceptionnel ensemble composé de canaux, de bassins et parterres et, à l’ouest, il compose le point d’orgue : le jardin des Grandes Eaux, une succession de bosquets, ornés de fontaines, cascades et autres jeux d’eau. Pour faire « jouer les eaux », un système hydraulique très sophistiqué est mis en place.
Le Pavillon de Manse, machine élévatoire des eaux
À Chantilly, contrairement à Versailles, l’eau n’a jamais été un problème. La vallée de la Nonette et ses nombreuses sources offrent l’eau suffisante pour les besoins de Le Nôtre. Mais il faut « dompter » cette eau et la conduire vers les bassins et fontaines. André Le Nôtre confie cette question à un nommé Jacques de Manse, maitre d’œuvre des travaux d’exécution de la Machine – qui porte son nom – et du réseau de canalisations. Achevée en 1679, et « cachée » dans un élégant pavillon dessiné par Mansart, la Machine de Manse est une « machine élévatoire des eaux ». Une grande roue entrainée par le courant de la Nonette actionne des pistons qui pompent l’eau d’un puits souterrain, et l’envoie dans un réservoir situé sous le toit du pavillon. Il s’agit en fait d’un moulin à eau. La Machine fournit alors 1100 m3 d’eau par 24h mais elle ne peut fournir assez en temps réel pour tous les bassins. Il faut donc trouver un moyen de stocker l’eau en quantité suffisante pour le déclenchement des grandes eaux. De même, la machine à double piston délivre un flux discontinu alors que les jeux d’eau nécessitent un flux régulé et continu. Elle est donc reliée, par une canalisation souterraine, à un réservoir de 33 000 m3 installé au point le plus élevé de Chantilly et surélevé par rapport aux cascades et bassins. Celui-ci envoie alors l’eau sous pression vers les bassins et fontaines par le simple jeu de la gravité.
Modernisation du 19e siècle
Après la Révolution française, le jardin des Grandes Eaux disparait mais le Pavillon de Manse et son réservoir sont préservés car ils alimentent aussi les Grandes Écuries, l’hôpital Condé et la ville par le biais d’un réseau de bornes fontaines. Dans la seconde moitié du 19e siècle, la roue en bois est délaissée et le duc d’Aumale, propriétaire du château, fait installer une station de pompage avec machines en fonte ainsi qu’une blanchisserie dans une extension du pavillon. À la fin du 19e siècle, la ville se dote de son propre réseau d‘alimentation mais le Pavillon de Manse fonctionnera jusqu’aux années 1970-80 pour alimenter la blanchisserie et le réservoir.
Propriété de l’Institut de France et classé monument historique, le Pavillon de Manse est aujourd’hui un site patrimonial consacré à la transmission de la culture scientifique et technique. Il retrace de manière pédagogique, trois siècles d’évolution de techniques hydrauliques.