La modernité s’invite dans les villes
Les villes connaissent durant les Trente Glorieuses de spectaculaires métamorphoses. Cette époque une quête de modernité nourrie d’optimisme, foisonne de projets architecturaux d’ampleur. À la tête de l’une des principales agences françaises d’architecture, Guillaume Gillet déborde d’énergie.
Premier Grand Prix de Rome, il s’engage dans la réalisation d’aménagements urbains et de programmes immobiliers ambitieux dont le palais des Congrès de la porte Maillot à Paris. Il est également l’architecte conseil du ministère de la Justice pour lequel il construit l’École nationale de la Magistrature à Bordeaux.
Nouveau langage architectural
Par sa capacité à marier l’art et la technique en des édifices à la plastique étonnante, il a contribué à renouveler le langage architectural.
Inaugurée le 10 juillet 1958, l’église Notre-Dame de Royan vaut à son architecte une renommée immédiate. Construite en béton laissé apparent, elle dessine dans le paysage de la ville, une figure puissante aux verticales affirmées. Elle s’inscrit dans un renouveau de l’art sacré au sein duquel s’engagent prêtres, artistes et architectes à partir des années 1950. Près de 450 églises sont ainsi bâties en France entre 1950 et 1960.
Après ce chantier marquant de Notre-Dame de Royan, Guillaume Gillet reçoit commande de plusieurs églises et chapelles. Elles témoignent d’échanges étroits avec le monde des ingénieurs pour exploiter les possibilités nouvelles offertes par les voiles de béton et les charpentes en bois lamellé collé.
Subtil arc de cercle
C’est dans ce contexte qu’une nouvelle paroisse est créée dans les années 1950 à Soissons. Contacté en 1958, Gillet accepte, malgré le budget modeste, « d’appliquer les principes monumentaux de Royan à une échelle moindre et (…) de retrouver entre la petite et la grande église l’air de famille que nos ancêtres ont su si bien conserver entre l’église de village et la cathédrale ». La couverture se compose d’une charpente aux fermes en bois lamellé-collé, reliant en une seule voûte les deux faces de la nef triangulaire.
Même silhouette oblongue, même inflexion du profil, même élan vertical, les points communs entre Royan et Soissons s’avèrent indéniables. Autre analogie flagrante, celle des matériaux mis en œuvre : les élévations extérieures se caractérisent toutes deux par la répétition d’éléments semblables en béton armé.
Extrêmement dépouillé, l’espace intérieur concentre son décor au niveau des verrières aux motifs géométriques et colorés. Comme à Royan, l’ambiance intérieure est obtenue grâce aux vitraux de Martin-Granel qui emploie la méthode de la dalle de verre. L’incrustation de lames de verre, posées de champ, dans les joints qui assemblent les dalles donnent une inédite impression de profondeur.
Le regard se porte loin vers un mur de lumière esquissant un subtil arc de cercle. Les bancs destinés à accueillir les fidèles se répartissent en éventail face à l’autel. Les lignes et les volumes surprennent, à l’instar de la combinaison des matériaux. Très haute vers l’entrée afin de ménager l’espace nécessaire pour y installer une tribune, puis plus basse au centre de l’édifice, la voûte s’élève ensuite à nouveau donnant davantage d’ampleur au chœur. L’église Saint-Crépin constitue un témoin majeur d’un style architectural réunissant technicité et quête de lignes nouvelles.