L’aboutissement d’une longue tradition
Du 12e au 18e siècles, la foire de la Saint-Jean attire à Amiens des populations nombreuses et diverses, qui apprécient les montreurs ambulants. Mystères, farces et histoire sainte sont à l’origine du répertoire de ces marionnettes. L’arrivée sur scène de Polichinelle, paysan grotesque et facétieux introduit parmi les marionnettes napolitaines des personnages plus populaires, tout droit venus de la commedia dell’arte. Les premières traces écrites de la présence de cette tradition à Amiens sont les demandes d’autorisation de montrer des spectacles toujours plus nombreux aux 17e et 18e siècles.
Un divertissement codifié
Au 19e siècle à Amiens, plus de 70 théâtres de cabotans s’installent de façon permanente et peuvent accueillir jusqu’à 200 spectateurs. Cette sédentarisation fixe la structure du spectacle lui-même : Polichinelle assure la première partie, puis un drame lui succède, inspiré par les œuvres théâtrales du moment. Citons Le Bossu, Les deux orphelines, Marceau ou les enfants de la République ou encore La porteuse de pain. Enfin, l’ensemble s’achève par une bouffonnerie dont Lafleur est le héros comme dans Lafleur soldat ou Lafleur chez les Turcs.
Lafleur, un héros populaire
Vêtu d’un costume de velours souvent rouge, à l’image des laquais du 18e siècle, avec une chemise à jabot, des bas souvent rayés rouge et blanc et d’un chapeau tricorne, le personnage de Lafleur est incontournable. Esprit libre, frondeur et bon vivant, à coups de pieds et coups de gueule, son franc-parler exprime en picard tant son goût de vivre que ses querelles avec les « cadoreux » (gendarmes). La plus ancienne marionnette de Lafleur date de 1811. Sculptée par un ouvrier amiénois, Louis Joseph Bellette (1783-1837), elle est conservée au Musée de Picardie.
Issus du peuple et de la culture régionale, les cabotans d’Amiens sont à la fois l’aboutissement d’une longue tradition populaire et les fervents ambassadeurs de la langue et de la culture picardes.