L’entrée des troupes allemandes en ville, 2 septembre 1914
La première armée allemande du général Von Kluck traverse l’Oise sur des franchissements provisoires, les ponts ayant été détruits par l’armée française. Le 1er septembre, de violents combats éclatent à Néry puis sur une ligne allant de Senlis à Baron. Senlis est bombardée dès le 2 septembre. On dénombre au moins 33 impacts d’obus sur la cathédrale Notre-Dame de Senlis qui sert de repère pour l’artillerie allemande. Les soldats allemands font leur entrée en ville dans l’après-midi, l’état-major s’installe directement à l’Hôtel du Grand-Cerf.
Le maire de Senlis, Eugène Odent est interrogé sur la présence de troupes françaises en ville. Il répond en toute bonne foi que la population de la ville est pacifique et que les troupes françaises ont effectivement évacués. Au même moment des unités allemandes subissent un feu nourri aux abords de la ville, dans le faubourg Saint-Martin. Un véritable climat de paranoïa s’installe au sein de l’armée allemande persuadée de se faire harceler par les habitants en armes. Ce sont en fait des unités isolées de l’armée française qui ouvrent le feu sur les Allemands.
Sur les 7000 habitants que comptait Senlis en 1914, seul 1000 personnes environ restent pendant les combats, cachées dans les nombreuses caves et carrières de la ville.
Le « martyre de Senlis »
Le général Von Kluck considère qu’il faut faire un exemple. Le maire Eugène Odent est immédiatement arrêté et conduit à Chamant. Les Allemands sont persuadés qu’il a fait de fausses déclarations concernant le pacifisme de la population. Une vingtaine d’otages pris au hasard par les autorités allemandes dans la population le rejoigne. Le maire et six autres senlisiens sont fusillés sans procès. L’état-major allemand décide en outre d’incendier la ville dans la soirée de cette même journée du 2 septembre 1914. Plus de 100 habitations et bâtiments, situés rue de la République et aux alentours, sont détruits. La gare subit le même sort. Dans l’esprit des officiers allemands, il faut punir la ville pour sa supposée résistance. Il faut faire de Senlis un symbole de la détermination de l’armée allemande à atteindre Paris, toute proche.
La reprise de la ville, le choc
L’armée française reprend Senlis le 9 septembre 1914.
La reconquête de la ville s’inscrit dans le vaste mouvement de contre-offensive de la bataille de la Marne, du 5 au 12 septembre 1914. Par un effort colossal et de nombreuses pertes, les forces françaises font reculer les Allemands, on parle alors du « miracle de la Marne ». Quelques semaines plus tard, la ligne de front se stabilise et les soldats commencent à s’enterrer dans les tranchées. Le conflit se transforme en guerre de position.
Les destructions perpétrées dans toute la ville de Senlis et l’exécution des otages vont profondément choquer l’opinion publique française. De nombreuses photographies des destructions sont publiées, notamment des cartes postales. Des affiches et des dessins sont édités. La presse et le service de propagande des armées s’empressent de faire du « martyre de Senlis » un exemple de la « barbarie allemande ».
En 1920, Senlis adopte la devise suivante : « Par le feu et par mon sang, j’ai engendré la Victoire » ce qui démontre l’impact considérable qu’a eu cet épisode dans les esprits. L’influence de ce traumatisme est encore visible dans l’espace public aujourd’hui notamment sur le fronton de la gare de Senlis reconstruite en 1922.